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Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/330

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de ce que notre attente était excitée et se trouve tout à coup anéantie. Supposons encore que l’héritier d’un riche parent, voulant faire célébrer en l’honneur du défunt de riches et solennelles funérailles, se plaigne de n’y pouvoir réussir, en disant que plus il donne d’argent à ses gens pour paraître affligés, plus ils se montrent joyeux, nous éclatons de rire, et la cause en est encore que notre attente se trouve tout à coup anéantie. Et remarquons bien qu’il ne faut pas que la chose attendue soit changée en son contraire — car ce serait quelque chose encore, et cela pourrait être souvent un objet de chagrin ; — il faut qu’elle soit réduite à rien. En effet, si quelqu’un excite en nous une grande attente par le récit d’une histoire, et, qu’arrivés au dénouement, nous en reconnaissions la fausseté, nous éprouvons un déplaisir, comme, par exemple, quand on raconte que des hommes, frappés par une grande douleur, ont vu leurs cheveux blanchir en une nuit. Si, au contraire, un autre plaisant, pour réparer l’effet produit par cette histoire, raconte tout au long le chagrin d’un marchand qui, revenant des Indes en Europe avec tout son bien en marchandises, est obligé dans une tempête de tout jeter par-dessus le bord et se désole à tel point que sa perruque en devient blanche dans la même nuit, nous rions et nous avons du plaisir, parce que notre propre