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Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/113

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LA LUTTE DU BON PRINCIPE AVEC LE MAUVAIS

concevoir l’absolution, devant la justice céleste, de l’homme surchargé de fautes ; partant, que toutes les expiations, qu’elles soient secrètes au solennelles, toutes les invocations et toutes les glorifications (même celles qui s’adressent à l’Idéal, représentant du Fils de Dieu) ne peuvent suppléer au défaut de bonne intention, ni, quand cette intention existe, en augmenter le moins du monde la valeur devant ce tribunal ; car il faut que cet idéal soit admis dans notre intention pour tenir lieu du fait. Une conséquence tout autre est contenue dans la question suivante : Que peut se promettre l’homme, ou qu’a-t-il à craindre, de sa conduite, à la fin de sa vie ? L’homme ici, tout d’abord, doit connaître son caractère, au moins jusqu’à un certain point ; par conséquent, même s’il croit avoir rendu son intention meilleure, il doit conjointement avec cette intention, considérer l’intention ancienne (l’intention corrompue), qui fut la sienne tout d’abord (von der er ausgegangen ist), et pouvoir décider en quoi et dans quelle mesure il s’est dépouillé de cette intention, en même temps qu’évaluer la qualité (plus pure ou moins impure) ainsi que le degré atteints par la prétendue nouvelle intention, pour se rendre maître de la première et s’empêcher d’y retomber ; il devra donc toute sa vie faire l’examen de son intention. Or, comme il ne saurait, par conscience immédiate, avoir de sa réelle intention un concept certain et précis, ne pouvant en juger que par sa conduite effective, pour connaître le jugement que prononcera le juge futur (la conscience morale réveillée en chacun de nous et appelant à son aide le témoignage de la connaissance empirique que nous avons de nos personnes), l’homme doit se dire que toute sa vie lui sera un jour placée sous les yeux, et non pas seulement une fraction de cette vie, la dernière peut-être et pour lui, d’autre part, la plus avantageuse ; à laquelle il pourrait ajouter de lui-même la perspective d’une vie menée plus avant dans la perfection (sans qu’il se fixât ici de limites), si elle avait plus longuement