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Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/136

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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

suite, une association nombreuse d’hommes réunis dans ce but, ne peut pas encore être dite une république morale ; elle constitue seulement une société particulière qui aspire à l’accord unanime de tous les hommes (et même de tous les êtres raisonnables finis) pour établir dans l’absolu un Tout moral (ein absolutes ethisches Ganze, dont chaque société partielle n’est qu’une représentation ou un schème, chacune pouvant à son tour, par rapport aux autres de même espèce, être représentée comme se trouvant dans l’état de nature moral, avec toutes les imperfections qu’il implique (c’est la situation des divers états politiques que ne réunit point un droit public des gens).


II. ― L’homme doit sortir de l’état de nature moral pour devenir membre d’une république morale.


De même que l’état de nature juridique est un état de guerre de tous contre tous, de même l’état de nature moral est un état d’incessantes hostilités <auxquelles est en butte le bon principe qui se trouve en chacun de nous> de la part du mauvais principe qui se rencontre également dans tous les hommes, lesquels (nous l’avons dit plus haut) corrompent mutuellement leur disposition morale, et même, en dépit de leur bon vouloir individuel, manquant d’un principe d’union, tout comme s’ils étaient les instruments du mal, s’éloignent, par leur désaccord, de leur fin commune, le bien et se mettent tous en danger de retomber sous la domination du principe mauvais. Or, de même que l’état de liberté extérieure anarchique (brutale) et d’indépendance absolue à l’égard de lois coercitives est un état d’injustice et de guerre de tous contre tous dont l’homme doit sortir pour former une société politique et civile[1] ;

  1. La proposition de Hobbes : status hominem naturalis est bellum omnium in omnes, n’a qu’un défaut, c’est qu’elle devrait dire : est sta-