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Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/141

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DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

dans les mains de l’homme et aboutit à une institution qui, tout en gardant le pouvoir d’en présenter pure la simple forme, est, pour ce qui touche aux moyens de constituer un Tout de ce genre, très bornée, se trouvant soumise aux conditions que pose la nature humaine sensible. Mais comment espérer de faire avec du bois pareillement tordu des charpentes tout à fait droites ?

La fondation d’un peuple moral de Dieu est donc une œuvre dont l’exécution ne peut être attendue que de Dieu lui-même et non pas des hommes. Ce qui ne veut pas dire qu’il soit permis à l’homme de rester inactif par rapport à cette entreprise et de laisser faire la Providence, comme si chacun pouvait se borner à s’occuper de ses intérêts moraux personnels et s’en remettre à une sagesse supérieure pour ce qui regarde l’ensemble des intérêts du genre humain (au point de vue de sa destination morale). L’homme doit plutôt procéder comme s’il avait la charge de tout, et ce n’est qu’ainsi qu’il peut espérer qu’une sagesse supérieure viendra bénir et couronner ses efforts animés de bonnes intentions.

Le vœu de tous les hommes d’intention bonne est donc : « Que le règne de Dieu arrive, que sa volonté soit faite sur la terre ; » mais comment doivent-ils s’y prendre pour que ce vœu soit exaucé ?

Une république morale à législation morale divine est une Église, qui, n’étant pas un objet de l’expérience possible, s’appelle l’Église invisible (simple idée de la société qui comprend tous les justes sous le gouvernement divin immédiat et moral, et qui sert de modèle à chacune de celles que les hommes doivent fonder). L’Église visible est l’association effective des :nommes en un Tout qui concorde avec cet idéal. Étant donné que toute société gouvernée par des lois publiques comporte une subordination de ses membres entre eux (de ceux qui obéissent aux lois de cette société à ceux qui veillent à l’observation de ces lois), l’en-