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Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/145

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DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

action et leur influence). Parce que les grands de ce monde ont un besoin particulier d’être honorés de leurs sujets et d’en être loués par des marques de soumission, toutes choses indispensables afin de pouvoir en attendre une obéissance à leurs ordres aussi grande qu’il est requis pour qu’ils puissent leur commander ; parce que les hommes, au surplus, quelque raisonnables qu’ils soient, trouvent toujours un plaisir immédiat à des témoignages d’honneur, on traite le devoir, en tant qu’en même temps il est un précepte divin, comme une chose à faire dans l’intérêt de Dieu et non de l’homme, et de là provient le concept d’une religion cultuelle au lieu du concept d’une religion morale pure.

Toute la religion consistant à regarder Dieu, relativement à tous nos devoirs, comme le législateur à qui tout le monde doit témoigner de la vénération, il est important de savoir dans la détermination de la religion, en ce qu’elle a rapport à notre conduite qu’elle dirige, comment Dieu veut être honoré (et obéi). ― Or, une volonté divine législatrice commande ou par des lois en soi simplement statutaires, ou par des lois purement morales (entweder… bloss statutarische, oder… rein moralische Gesetze). Pour ce qui est de ces dernières, chacun peut de lui-même, par sa propre raison, connaître la volonté de Dieu qui est le fondement de sa religion ; car le concept de la divinité ne résulte, à vrai dire, que de la conscience de ces lois et du besoin qu’a la raison d’admettre une force douée du pouvoir de leur procurer, en harmonie avec la fin morale, tout l’effet possible dans l’un des mondes. Le concept d’une volonté divine que déterminent simplement des lois morales pures nous mène à la conception d’un seul Dieu, et par suite à celle d’une religion unique, religion purement morale. Mais si nous admettons des lois statutaires de Dieu et si nous faisons de la religion l’observation de ces lois, la connaissance alors en est impossible pour nous au moyen de la raison