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Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/157

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DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

foi ecclésiastique, qui, en tant que foi populaire, ne saurait être négligée, parce qu’une doctrine fondée sur la simple raison ne semble pas au peuple capable d’être une règle immuable et qu’il faut à ce peuple une révélation divine, par conséquent aussi une confirmation historique qui en établisse l’autorité par la déduction de son origine. Or, comme l’art humain, ni la sagesse humaine ne peuvent monter jusqu’au ciel pour y vérifier les lettres de créance attestant la mission légitime du premier Maître, mais qu’il leur faut se contenter, pour montrer que cette mission est historiquement digne de foi, des caractères que l’on peut tirer, en dehors de son contenu, du mode d’introduction de cette croyance, c’est-à-dire d’informations humaines qu’il nous faut rechercher dans les temps les plus reculés et dans des langues « anciennes » actuellement mortes ; la science de l’Écriture deviendra nécessaire pour maintenir l’autorité d’une Église fondée sur l’Écriture sainte ― je dis Église et non pas religion (car la religion, pour être universelle, doit toujours se fonder sur la simple raison) ― pourtant la seule chose que cette science établisse, c’est que l’origine de cette Église ne contient rien en soi qui rende impossible d’y voir une révélation divine immédiate ; et cela suffirait pour laisser le champ libre à ceux qui croient trouver dans cette idée une consolidation (besondere Stärkung) de leur foi morale, et qui, pour ce motif, l’acceptent volontiers. ― Or, les mêmes raisons montrent la science requise non seulement pour établir la légitimité de l’Écriture sainte, mais pour en exposer le fond. En effet, comment s’y prendraient ceux qui ne peuvent lire l’Écriture que dans des traductions pour être certains de son sens ? Aussi est-il nécessaire que l’interprète en connaisse la langue à fond, et possède en outre des connaissances historiques et une critique étendues, pour trouver dans l’état de choses, dans les mœurs et les opinions (dans la croyance populaire) de l’époque où elle parût les