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Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/159

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DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

ment divin. Mais pas plus qu’on ne peut d’un sentiment quelconque conclure à la connaissance de lois, ni établir que ces lois sont morales, on ne peut découvrir, à plus forte raison, par le moyen d’un sentiment, la marque certaine d’une influence immédiate divine ; parce que le même effet peut avoir plusieurs causes et qu’il a dans ce cas pour cause la simple moralité de la loi (et de la doctrine), moralité connue par la raison, et parce que, même dans le cas où cette origine n’est que possible, c’est un devoir de la lui assigner, si l’on ne veut ouvrir entièrement la porte à toutes les extravagances et enlever même sa dignité au sentiment moral non équivoque par la parenté qu’on lui prête avec tous les autres sentiments fantastiques. ― Un sentiment, lorsque la loi qui le fait naître ou qui l’explique est d’avance connue, est une chose que tout homme ne possède que pour lui-même et qu’il ne saurait exiger des autres, ni par conséquent leur prôner comme pierre de touche de l’authenticité d’une révélation, car le sentiment n’enseigne absolument rien et ne contient que la manière dont le sujet est affecté sous le rapport de son plaisir ou de sa peine, affection sur laquelle aucune connaissance ne peut être fondée.

Ainsi, la seule règle de la foi ecclésiastique nous est fournie par l’Écriture, et les seule interprètes en sont la religion de la raison et la science scripturale (portant sur l’élément historique de l’Écriture) le premier de ces interprètes est le seul qui soit authentique et de valeur universelle ; le second n’est que doctrinal et sert à incarner la croyance ecclésiastique, pour un certain peuple et un certain temps, dans un système défini et qui se maintient fixe. Or, à ce point de vue, la foi historique, en définitive, n’est qu’une simple foi accordée aux spécialistes de l’Écriture et à leurs manières de voir, et l’on ne peut rien changer à cela ; évidemment, ce n’est pas là, pour la nature humaine, une chose dont elle puisse tirer un honneur extraordinaire,