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DU VRAI CULTE ET DU FAUX CULTE

tout à fait anthropologiques et parfaitement en rapport avec la sensibilité, soit justement de cette espèce. Quoi de plus facile, en effet, que de saisir et de transmettre à d’autres une narration de ce genre toute simple et rendue sensible, ou que de répéter, à propos des mystères, des mots où l’on ne doit rattacher aucun sens ? Combien facilement des récits de ce genre trouvent partout créance, surtout avec l’appât des grands avantages promis, et quelles profondes racines la croyance à la vérité de ces narrations pousse en tous les cœurs, quand elle se base d’ailleurs sur des documents regardés depuis de longs siècles comme authentiques ! Par là, certainement, une telle croyance se trouve en harmonie, même avec les plus ordinaires des facultés humaines. Mais, quoique la divulgation de ces événements et la croyance aux règles de conduite appuyées sur eux n’aient pas besoin d’avoir été données directement ou spécialement pour les savants ou les sages du monde, ces derniers, toutefois, n’en sont pas tenus à l’écart ; or, en ces matières, on rencontre des difficultés si nombreuses concernant, d’une part, la vérité des faits et, de l’autre, le sens à donner à leur exposé, que l’adoption d’une telle croyance, en butte à tant d’objections (même soulevées très sincèrement), comme suprême condition de la foi sanctifiante unique autant qu’universelle est la chose la plus absurde qu’on puisse concevoir. ― Or, il existe une connaissance pratique qui, bien que uniquement fondée sur la raison et sans avoir besoin d’aucune doctrine historique, est tellement à la portée de tous, même des hommes les plus simples, qu’on la croirait écrite littéralement dans nos cœurs ; c’est une loi qu’il suffit de nommer pour que l’autorité en soit reconnue par tous sur-le-champ, une loi qui comporte pour la conscience de tous une obligation inconditionnée, la loi de la moralité pour tout dire ; au surplus, cette connaissance nous conduit d’elle-même à la croyance en Dieu ou est la seule, tout au