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Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/251

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DU VRAI CULTE ET DU FAUX CULTE

sance (Bewusstsein) de toutes nos représentations parait seulement être nécessaire quand on se place au point de vue logique, et par suite toujours conditionnellement, quand on veut rendre claire sa représentation, et que, par conséquent, elle ne saurait être un devoir inconditionné ?

Il y a en morale un principe fondamental qui n’a pas besoin d’être démontré : c’est qu’on ne doit rien se permettre, si l’on n’est pas sûr que c’est bien (quod dubitas, ne feceris ! Pline). Avant d’entreprendre une action, connaître qu’elle est juste est, par suite, pour moi un devoir absolu. Juger d’une action quelconque qu’elle est bonne ou qu’elle est mauvaise, c’est affaire à l’entendement, non à la conscience. Il n’est pas d’ailleurs absolument nécessaire qu’on sache, de toutes les actions possibles, si elles sont bonnes ou mauvaises. Mais pour entreprendre une action, je dois non seulement la juger et la croire bonne, mais encore être sûr qu’elle n’est point mauvaise ; et cette exigence est un postulat de la conscience morale avec lequel se trouve en opposition le probabilisme, c’est-à-dire le principe qui permet d’accomplir un acte dès qu’on croit seulement qu’il peut être permis (könne wohl recht sein). — On pourrait encore définir la conscience : la faculté morale de juger se jugeant elle-même ; mais cette définition aurait bien besoin d’être précédée d’une explication des concepts dont elle se sert. Ce n’est pas des actions, à titre de cas tombant sous la loi, que la conscience doit juger ; cela, c’est l’affaire de la raison, en tant qu’elle est subjective et pratique (s’occupant, à ce titre, des cas de conscience et forgeant la casuistique, sorte de dialectique de la conscience morale) ; ici, au contraire, c’est la raison qui doit se juger elle-même et décider si réellement elle a apporté à l’appréciation des actes toute la circonspection nécessaire (pour voir s’ils sont bons ou mauvais), et qui cite l’homme à la barre pour s’aider de son témoignage, favorable ou défavorable, à se prononcer sur ce point.