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Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/255

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DU VRAI CULTE ET DU FAUX CULTE

croyance (argumentum a tuto) : Si ce que je proclame comme étant de Dieu se rencontre vrai, j’aurai, dans ce cas, touché juste ; si c’est faux, mais que, par ailleurs, ce ne soit rien en soi de défendu, j’aurai cru seulement quelque chose de trop, ce qui évidemment n’était pas nécessaire, m’imposant par là un surcroît de peine, mais ne commettant pas un crime. La mauvaise foi d’une telle excuse expose l’homme à la violation de sa conscience morale, en lui permettant de donner pour certaine, devant Dieu lui-même, une chose dont il sait bien qu’elle est d’un caractère tel qu’on ne peut l’affirmer avec une confiance absolue ; mais tout cela pour l’hypocrite n’a absolument aucune importance. — La vraie maxime de sûreté, la seule compatible avec la religion veut exactement le contraire : tout ce qui m’est donné à titre de moyen ou de condition du salut, non par ma raison personnelle, mais seulement par la révélation, tout ce que je ne puis admettre dans mes professions de foi qu’en raison d’une croyance historique et à quoi cependant ne contredisent pas les principes purs de morale, si je ne puis le croire et l’affirmer certain, je ne peux pas non plus l’écarter davantage comme sûrement faux. Pourtant, sans rien décider sur ce point, s’il se trouve en cela quelque chose de salutaire, je compte que j’y aurai part, si je ne m’en rends pas indigne [en quelque manière] par le défaut d’intention morale dans ma bonne conduite. Dans cette maxime est comprise la sûreté morale véritable, celle qui est valable au regard de la conscience (la plus grande qui puisse être exigée par l’homme) ; tandis qu’il y a le summum des risques et l’insécurité suprême dans ce qu’on prétend être un moyen de prudence servant à éviter astucieusement le grave préjudice qui pourrait nous venir de la non-profession, car en voulant être des deux partis on s’expose à perdre les bonnes grâces de l’un et de l’autre.

Si le rédacteur d’un symbole, le docteur d’une Église ou un homme quelconque enfin, puisque chacun doit pouvoir