Aller au contenu

Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
245
DU VRAI CULTE ET DU FAUX CULTE

but qu’elle se donne est saint (puisqu’elle vise à faire l’homme citoyen d’un État divin), mais en elle-même elle n’est pas sainte ; il ne faut pas y voir une action accomplie par d’autres et produisant dans le sujet, en même temps que la sainteté, la capacité de recevoir la grâce divine ; elle n’est donc pas un moyen de grâce, malgré l’excessive importance qu’on lui attribuait dans les premiers temps de l’Église grecque, où l’on estimait que par le baptême tous les péchés pouvaient être effacés d’emblée, ce qui révélait manifestement la parenté de cette erreur avec une superstition presque plus que païenne.

4. Il y a une autre cérémonie qui est répétée plusieurs fois et dont l’objet est de renouveler, de perpétuer et de propager la communauté de l’Église en suivant les lois de l’égalité (je veux parler de la communion) ; pour nous conformer à l’exemple du fondateur de cette Église (en même temps qu’en mémoire de lui) nous pouvons lui donner la forme d’une jouissance commune savourée à la même table ; elle contient en soi quelque chose de grand, quelque chose qui élargit la façon de penser des hommes, étroite, égoïste et intolérante, jusqu’à l’Idée d’une communauté morale universelle, et l’on y trouve un excellent moyen d’exciter les membres d’une paroisse au sentiment moraux de l’amour fraternel qu’elle représente à leurs yeux. Quant à prêcher que des grâces particulières aient été attachées par Dieu à la célébration de cette cérémonie et à donner comme un dogme de foi que la communion, acte purement ecclésiastique (bloss… kirchliche Bandlung), est en outre un moyen de grâce, c’est une erreur dont l’effet ne peut être que directement opposé à l’esprit de la religion. ― Le sacerdoce ainsi serait en général la domination usurpée que le clergé s’arroge sur les âmes en leur faisant croire qu’il a la possession exclusive des moyens d’obtenir la grâce.