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Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/51

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COEXISTENCE DU MAUVAIS PRINCIPE AVEC LE BON

deuxièmement, à la propagation de notre espèce, par l’instinct sexuel, et à la conservation de ce que procrée le rapprochement des sexes ; troisièmement, à l’entretien de relations avec les autres hommes, ce qui est l’instinct social. ― Sur cette disposition peuvent être greffés des vices de tout genre (mais ils n’en proviennent pas comme d’une racine dont ils seraient les rejetons). On peut les appeler des vices de la grossièreté de la nature, et, quand ils s’écartent au plus haut point de la fin naturelle, on leur donne le nom de vices bestiaux ; ce sont : l’intempérance, la luxure, le mépris sauvage des lois (dans les relations avec les autres hommes).

2. Les dispositions à l’humanité peuvent titre rangées sous le titre général de l’amour de soi physique, il est vrai, mais pourtant comparé (ce qui requiert de la raison) ; puisque c’est seulement comparativement à d’autres que l’on se juge heureux ou malheureux. De cet amour de soi dérive le penchant de l’homme à se ménager une valeur dans l’opinion d’autrui ; originairement, sans doute, l’homme veut simplement l’égalité, satisfait de ne concéder à personne la suprématie sur lui-même, mais constamment préoccupé que les autres puissent y tendre ; et cette crainte peu à peu donne naissance à l’injuste désir d’acquérir la suprématie sur les autres. Sur ce penchant, je veux dire sur la jalousie et sur la rivalité, peuvent être greffés les vices les plus grands, des inimitiés secrètes et publiques contre tous ceux que nous considérons comme nous étant étrangers ; pourtant, à proprement parler, la jalousie et la rivalité ne proviennent pas de la nature comme d’une racine dont elles seraient les rejetons, mais, en raison de la crainte où nous sommes que d’autres acquièrent sur nous une supériorité que nous haïssons, elles sont des penchants qui, pour notre sécurité, nous portent à nous ménager, comme moyen de précaution, cette prépondérance sur autrui ; alors que la nature voulait seulement employer comme