Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/205

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côté, elle éprouva un grand désenchantement en se retrouvant avec sa mère, qu’elle n’avait vue que très rarement dans le courant des trois dernières années. Dès les premiers jours elle remarqua, avant tout, que les relations entre son aïeule et sa mère s’étaient de nouveau aigries, et qu’elle allait être encore une fois enveloppée dans cette atmosphère de querelles et de coups d’épingle dont elle avait déjà tant souffert. Elle eut d’autre part le chagrin de constater que sa mère s’était faite à l’idée de voir sa fille rester sous la dépendance de la grand’mère, et qu’une nouvelle séparation ne lui causerait aucune peine. Sophie-Antoinette refusa nettement d’accompagner sa fille à Nohant et eut la cruauté de lui dire : « Non, certes ! Je ne retournerai à Nohant que quand ma belle-mère sera morte. » Ces dures paroles brisèrent le cœur de la jeune fille, déshabituée de ces sorties et de ces vulgarités, dont Sophie était si prodigue. Elle sentit alors combien sa mère lui était devenue étrangère, elle regretta d’autant plus le couvent, où elle avait été entourée de l’atmosphère si sereine et si douce de la bienveillance générale. Dans les premiers jours du printemps de 1820, Aurore arriva avec sa grand’mère à Nohant. Elle raconte dans son Histoire, que le lendemain, se réveillant dans sa chambre d’enfant, dans cet immense et antique lit à ciel, entre tous ces vieux meubles, à la vue de tout ce qu’elle connaissait si bien et de cette belle et fraîche matinée de printemps, le premier sentiment dont elle fut envahie fut le désespoir, — et son premier mouvement — de fondre en larmes. Était-ce regret de n’être plus au couvent, peur de sa nouvelle vie, espoir ou crainte de l’avenir qui l’attendait, qui le saurait dire ? Quoique George Sand s’arrête sur ces larmes et souligne ce chagrin inexplicable, les pages où elle nous raconte