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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/180

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est mauvaise et malsaine, et vous êtes décidé à vivre d’aliments choisis, apparemment vous avez le discernement, c’est-à-dire, dans le sens moral, la lumière et la force… »

Il en résulte que Sainte-Beuve était pour George Sand le sage conseiller qui pardonnait parce qu’il comprenait tout et qu’il l’attirait par ses vastes connaissances, par la flexibilité de son esprit, par l’absence d’idées préconçues et de parti pris. Dans la période du pessimisme et du plus sombre désespoir de George Sand, au moment où elle écrivait Lélia, Sainte-Beuve, qui admirait dans cette œuvre la profondeur et la force des idées qui ne sont pas celle d’une femme[1], tâchait, comme nous l’avons déjà dit (ch. vii) de calmer l’âme révoltée de George Sand et de la réconcilier avec les lois divines et humaines. Il prenait à cœur de lui apprendre à transférer le centre de la gravitation de tous ses intérêts, à les transporter de la sphère de sa vie personnelle dans celle de l’action artistique, de la placer dans le travail littéraire, et surtout de tendre à développer en elle l’esprit humain harmonieusement idéal, planant sur toutes les passions et progressant toujours dans la voie du perfectionnement moral et intellectuel. Cet idéal et ces tendances étaient déjà bien dans l’âme d’Aurore Dudevant à l’époque de son séjour au couvent et ce n’est pas pour rien qu’elle donna constamment à Sainte-Beuve le titre de « directeur de conscience », et dit plus d’une fois qu’il y avait en lui quelque chose du prêtre[2].

Si son amour pour Alfred de Musset la sauva de la

  1. Voir la remarquable lettre de Sainte-Beuve du 10 mars 1833, publiée dans l’ouvrage de M. de Spoelberch. Il est très curieux de comparer cette lettre avec le fragment de l’article de Sainte-Beuve sur Lélia, du 18 mai de la même année, que nous avons donné en note au chapitre vii.
  2. Voir entre autres sa lettre de juillet 1833.