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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/191

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mère (la baronne Dudevant), car elle est orléaniste » ; George Sand était aussi inquiète pour ses amis restés à Paris pendant les journées de juillet 1830, et pleurait les victimes, innocentes et coupables, de cette boucherie ; mais lorsqu’elle en vient à parler des meneurs de ce mouvement, de leurs discours, de leurs victoires et de leurs actes, son ton devient toujours légèrement moqueur, et elle semble glisser là-dessus ; on dirait qu’elle ne prend pas tout cela au sérieux. Bien plus, elle fit la connaissance de Michel lui-même, non pas par un sentiment d’admiration à distance, semblable à celui que lui portaient beaucoup de ses amis du Berry, mais plutôt par curiosité moqueuse. Comme cet Athénien qui s’ennuyait d’entendre appeler par tous Aristide « le juste », de même elle aussi était importunée d’entendre répéter sur des tons différents : « C’est ainsi que Michel pense… », « Michel l’a dit… », « Michel dit que… », et ainsi de suite. Et elle se rendit à Bourges pour voir de ses propres yeux ce prophète nouvellement éclos et pour avoir aussi le droit de répéter : « Michel dit que… » Il semble même qu’elle s’imaginait qu’elle sourirait à l’aspect de ce grand enthousiaste, comme on peut le conclure des dernières lignes de la sixième Lettre d’un voyageur : « … soit béni de m’avoir forcé de regarder sans rire la face d’un grand enthousiaste. » Mais l’occasion de rire ne lui fut pas donnée.

Dès 1833, George Sand avait fait la connaissance d’Adolphe Guéroult[1] adepte de Saint-Simon et collaborateur du Globe, lequel, comme les autres saint-simoniens, avaient vu dans les premiers romans de l’écrivain l’incarna-

  1. Adolphe Guéroult, homme politique, journaliste et économiste, naquit en 1810 à Radepont, et mourut à Vichy en 1872. Il collabora au Globe, au Temps, au Journal des Débats, à la République, à la Presse et