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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/214

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puis marcher avec mes amis, comme le chien qui voit son maître partir avec le navire et qui se jette à la nage pour le suivre, jusqu’à ce qu’il meure de fatigue. La mer est grande, ô mes amis ! et je suis faible. Je ne suis bon qu’à faire un soldat, et je n’a pas cinq pieds de haut. N’importe ! à vous le pygmée. Je suis à vous parce que je vous aime et vous estime. La vérité n’est pas chez les hommes ; le royaume de Dieu n’est pas de ce monde. Mais autant que l’homme peut dérober à la Divinité le rayon lumineux qui, d’en haut, éclaire le monde, vous l’avez dérobé, enfants de Prométhée, amants de la sauvage Vérité et de l’inflexible Justice ! Allons ! quelle que soit la nuance de votre bannière, pourvu que vos phalanges soient toujours sur la route de l’avenir républicain ; au nom de Jésus, qui n’a plus sur la terre qu’un véritable apôtre ; au nom de Washington et de Franklin, qui n’ont pu faire assez et qui nous ont laissé une tâche à accomplir ; au nom de Saint-Simon, dont les fils vont d’emblée au sublime et terrible problème (Dieu les protège !…), pourvu que ce qui est bon se fasse, et que ceux qui croient le prouvent…, je ne suis qu’un pauvre enfant de troupe, emmenez-moi… »

Mais aussitôt après, ce modeste enfant de troupe éclate en une philippique virulente contre son rigoureux directeur, à l’occasion de ses attaques contre l’art et les artistes, et ce chapitre de la « Lettre à Éverard » en est presque la meilleure partie.

« … Veux-tu me dire à qui tu en as, avec tes déclamations contre les artistes ? Crie contre eux tant que tu voudras, mais respecte l’art. Ô vandale ! j’aime beaucoup ce farouche sectaire qui voudrait mettre une robe de bure et des sabots à Taglioni, et employer les mains de Liszt à tourner une meule de pressoir, et qui pourtant se couche