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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/255

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racontars d’un ex-amant ; et ne sait-on pas qu’il n’y a personne d’aussi injuste envers leurs idoles d’autrefois que les ex-amants ou les ex-maîtresses ? Nous devons cependant reconnaître, pour être juste nous-même, qu’il y a une grande part de vrai dans ce que Lina Ramann avance quand elle nous parle de la pose perpétuelle de la comtesse d’Agoult et de la duplicité de sa nature, qui, lorsqu’elle demanda un jour à Liszt quel titre elle devait donner à ses Souvenirs, amenèrent le musicien furieux à lui crier : « Poses et Mensonges ! » Il est également vrai qu’elle avait un amour-propre excessif, qu’elle était ambitieuse, phraseuse. Toujours, elle a voulu jouer un rôle quelconque, tantôt celui d’une « femme passionnée », tantôt celui d’une nymphe Égérie, inspirant le génial compositeur, qui n’avait certes nul besoin de cette inspiration, ou bien encore le rôle de « femme philosophe ». Ce n’est pas non plus sans raison qu’il a été dit que dans cette nature, en apparence froide et au fond passionnée, il y avait deux traits bien caractéristiques : une imagination exaltée et une ambition sans mesure. Malgré tous ces défauts, la comtesse d’Agoult fut, sans contredit, une femme absolument remarquable par son esprit, — un esprit sceptique et varié, embrassant tout, sachant comprendre et approfondir les idées et les doctrines les plus contraires ; ce fut aussi une curieuse, avide de savoir, enfin un écrivain hors ligne. On en a pour preuves toute la série des œuvres variées qu’elle nous a laissées, à commencer par Nélida, roman passionnel (1845), jusqu’aux trois volumes de son Histoire de la Révolution de 1848 (1851), aux Lettres républicaines, et à ses Pensées, réflexions et maximes (1849), si élégantes et si profondes. Toutes ses œuvres ont paru sous le pseudonyme de Daniel Stern.