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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/268

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« Cher George,

« Je ne sais ni où ni comment ce peu de lignes vous trouveront ; peu importe, pourvu qu’elles vous rappellent quelques minutes un ami, un frère, dont l’affection et le dévouement vous sont acquis pour toujours. Les trois ou quatre lettres que vous avez écrites à M[arie] et qu’elle m’a communiquées (contre son habitude), m’ont fait un véritable plaisir. La promesse que vous lui réitérez de venir nous voir ce printemps m’est aussi bien douce. Toutefois, j’hésite encore un tout petit peu à croire à la réalité de votre apparition fantastique à Genève. Avouez que c’est un scepticisme raisonnable et quasi légitime ; mais Dieu veuille que vous le confondiez à tout jamais, et cela au plus tôt. Ces jours derniers, votre nom a circulé dans tout Genève. Il paraît que votre sot-système[1] est en correspondance avec Mme Clermont-Tonnerre, et qu’il l’a prévenue de votre prochaine arrivée. Sur cela, grande rumeur et alerte dans le pays, comme bien vous pensez. Malheureusement, c’est comme la pièce du sieur Shakespeare : Much to do about nothing[2], et comme je ne suis pas sûr que (vous) sachiez l’anglais, voici la traduction française en regard : « beaucoup de bruit pour rien ».

Si vous venez, vous me trouverez prodigieusement hébété ! Depuis six mois je ne fais qu’écrire, écrivasser et écrivailler des notes de toutes les couleurs et de toutes les façons. Je suis convaincu qu’en les supputant, on en trou-

  1. C’est-à-dire Sosthènes de la Rochefoucauld, qui fut constamment l’objet de moqueries et de calembours dans les lettres de Mme d’Agoult, de George Sand et de Liszt.
  2. C’est-à-dire « Much ado about nothing ».