Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/399

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à peu il commence à mieux comprendre Hélène, mais craignant de nouveaux accès de sa folie, il lui cache la lyre. La jeune fille tombe alors dans une folie plus grande encore, et, cherchant partout sa lyre, elle parvient au faîte de la flèche de la cathédrale où Albertus la suit. Il tient la lyre sous son manteau, mais au lieu de la rendre simplement à Hélène, il engage avec elle le dialogue suivant :

Albertus. — « Arrêtons-nous sur cette terrasse, mon enfant, cette rapide montée a dû épuiser tes forces.

Hélène. — Non, je peux monter plus haut, toujours plus haut.

Albertus. — Tu ne peux monter sur la flèche de la cathédrale… L’escalier est dangereux, et l’air vif qui souffle ici est déjà assez excitant pour toi.

Hélène. — Je veux monter, monter[1], toujours, monter jusqu’à ce que je retrouve la lyre. Un méchant esprit l’a enlevée et l’a portée sur la pointe de la flèche. Il l’a déposée dans les bras de l’archange d’or qui brille au soleil. J’irai la chercher, je ne crains rien. La lyre m’appelle. (Elle veut s’élancer sur l’escalier de la flèche.)

Albertus, la retenant. — Arrête, ma chère Hélène ! Ton délire t’abuse. La lyre n’a point été enlevée. C’est moi qui, pour t’empêcher d’en jouer, l’ai ôtée de dessous ton chevet. Mais reviens à la maison, et je te la rendrai.

Hélène. — Non, non, vous me trompez. Vous vous entendez avec le Juif Jonathas pour tourmenter la lyre et me donner la mort. Le Juif l’a portée là-haut. J’irai la reprendre ; suivez-moi si vous l’osez. (Elle commence à gravir l’escalier.)

Albertus (lui montrant la lyre qu’il tenait sous son

  1. On croit entendre dans le mot monter de nouveau une allégorie.