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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/46

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vastes intérêts, le vol de sa pensée, par cette simplicité et cette profondeur d’une grande nature que les Allemands appellent : Eine gross angelegte Natur. Ajoutons à cela qu’Aurore Dudevant était alors en plein éclat de son étrange beauté. En 1833, George Sand était une petite brune svelte, au teint d’une pâleur olivâtre, à la luxuriante chevelure noire flottant sur les épaules, aux yeux noirs et veloutés, étrangement grands et sans éclat, comme ceux d’une indienne[1]. Ce n’était pas encore cette beauté opulente, que Heine, en 1840, comparait à la Vénus de Milo, et encore moins cette muse sévère, que la plupart des lecteurs connaissent d’après le portrait de Couture, gravé par Manceau. Aurore Dudevant, ainsi qu’elle le disait elle-même, était alors « maigre comme un fétu et noire comme une taupe » ; mais à ce portrait, un peu trop original, nous préférons celui que Charpentier a fait un peu plus tard de l’auteur de la Marquise et de Lavinia[2]. Ce portrait représente Aurore Dudevant en robe de soie noire, mantille également noire, une touffe de fleurs rouges derrière l’oreille, on dirait une véritable petite Espagnole. Tout en elle était original, jusqu’à son maintien et à ses mouvements extrêmement aisés ; au début, ses manières choquèrent même le jeune dandy, mais cela ne dura pas longtemps. George Sand comprit aussi, qu’elle avait devant elle un être à part, un homme comme elle n’en avait pas rencontré jusque-là, poète non seulement parce qu’il écrivait des vers, mais poète par toute sa nature. Plus que tout autre, elle était à même de comprendre ce qu’était

  1. Expression de Musset.
  2. Il en existe une excellente reproduction gravée sur acier par Robinson et une très mauvaise lithographie par Lassalle. L’original appartient à la fille de George Sand, Mme Solange Clésinger.