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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/56

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les moments décisifs de leurs amours à elles, et que leur autour a une tendance marquée à expliquer et à justifier leur « chute » par différents motifs très élevés, comme si l’amour par lui-même n’était pas un motif suffisant. La plupart des biographes de Musset et les critiques d’histoire littéraire tombent dans la même erreur que Lindau en voulant affubler George Sand elle-même de ces belles tirades et de sa manière d’invoquer « les circonstances atténuantes », lorsqu’il s’agit de ses propres romans vécus. Ces deux traits de la physionomie littéraire de George Sand ont une double explication. La première, c’est que très ardente et de nature passionnée, se laissant facilement entraîner et allant sans jugement et presque subitement jusqu’aux plus décisives manifestations de la passion, lorsqu’elle créait ses héroïnes avec l’intention de représenter non pas elle, mais des femmes idéalisées, George Sand s’est ingéniée à chercher toutes les causes logiques possibles, propres à justifier et à excuser leurs chutes. Ce procédé ressort directement de sa nature complexe : d’un côté, tempérament passionné, de l’autre une âme tendant éternellement à l’idéal et au « rationnel ». Et si dans sa propre vie elle a eu à déplorer si amèrement ses entraînements et n’a jamais su se justifier en rien à ses propres yeux, elle s’est d’autant plus évertuée, dans ses romans, à créer des types de femmes comme elle aurait voulu être elle-même. D’autre part ce n’est pas sa faute, si ses phrases et ses héroïnes nous paraissent souvent trop ampoulées ou trop « immaculées » ; nous sommes trop éloignés de 1830, de son style, des goûts et des sentiments qui régnaient alors. George Sand fut fidèle à son époque en faisant parler à ses héroïnes un langage idéal et quelque peu emphatique. Alexandre Herzen, cet esprit libre et sobre, n’employait-il