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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/73

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de pardon général, cette sollicitude infinie et cette bonté maternelle dont elle raffolait toujours ; ce sentiment d’amour était peut-être plus conscient, mais il ne l’envahissait plus comme auparavant, ne la remplissait plus du bonheur de l’amour inconscient, le seul vrai qui puisse exister. D’abord elle avait aimé pour elle, maintenant elle aimait pour lui. Ce n’était plus cela, et tous deux, semble-t-il, avaient déjà commencé à le sentir.

Dès l’arrivée à Venise se déroule pour George Sand toute une série d’épreuves, de chagrins et de soucis. À peine installée à l’hôtel Danieli, étant déjà indisposée à partir de Gênes, et pouvant à peine se tenir sur ses jambes à Pise et à Florence, elle tomba tout à fait malade et dut garder le lit pendant deux semaines entières[1].

Elle n’était pas encore complètement rétablie qu’elle se remettait à bûcher pour rattraper le temps perdu, lorsqu’une circonstance inattendue vint la mettre dans la nécessité absolue de travailler encore davantage. M. Plauchut nous a raconté, d’après ce que lui avait dit Buloz[2], que Musset, pendant son séjour à Venise avait été entraîné dans un brelan où il avait perdu dix mille francs. L’imprudent joueur ne pouvait et n’aurait jamais pu payer cette dette d’honneur, il lui fallait choisir entre le suicide ou le déshonneur. George Sand n’hésita pas un instant. Elle écrivit aussitôt au directeur de la Revue, en le priant de lui avancer cet argent. Buloz, sincèrement bien disposé pour son

  1. a). Lettres inédites à son fils, à sa mère et à Boucoiran, des 25, 28 et 29 janvier 1834. b). Histoire de ma Vie, t. IV, p. 186-188. Elle y dit qu’après la fièvre qu’elle avait eue à Venise, elle a souffert toute sa vie de violentes migraines.
  2. Le même fait est raconté par M. Plauchut dans ses intéressants articles intitulés : Autour de Nohant, publiés dans le Temps (5, 6 et 7 septembre 1891), et réunis maintenant en volume (Lévy, 1898).