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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/81

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Cet écrivain qui, comme nous le savons déjà, voit tout par les yeux du frère de Musset, accepte, comme vérité d’évangile, les scènes connues de Lui et Elle, où le malade, Edouard de Falconey, grâce aux ombres projetées sur le paravent et à un seul verre laissé sur la table, apprend la trahison d’Olympe. Se basant là-dessus dans sa biographie de Musset, Lindau nous donne le récit de cette scène révoltante et invraisemblable. Il dit à cette occasion : « La Sand reconnut plus tard que Musset était dans le vrai ; mais, en public, elle persista à affirmer que ce qui était arrivé en réalité n’était qu’une suggestion diabolique de la brûlante fantaisie d’un malade en délire… » Lindau accuse ensuite George Sand d’avoir su, dans les Lettres d’un voyageur, mêler avec un talent remarquable, la vérité à la fiction (Wahrheit und Dichtung) et d’avoir si bien teinté de vague son récit, qu’il n’est plus possible de démêler les vraies couleurs, et que l’on peut, à volonté, conclure qu’au nombre des hallucinations du malade, il faut ranger la scène où figurent le paravent et le verre sur la table. Mais dans Elle et Lui, George Sand, selon Lindau, s’exprime déjà

    dans cette hostilité, et le lecteur impartial, tout en restant dans la vérité, peut, sans porter préjudice à la mémoire de George Sand, rendre justice à la manière d’agir de Pagello. La seule chose que l’on puisse lui reprocher, c’est de ne pas avoir été fidèle à sa première décision et d’avoir permis à son fils de donner au Dr Cabanès la copie de la Déclaration d’amour. Mais d’un autre côté, il nous semble impossible d’exiger d’un homme vivant, et encore plus de son fils, qu’il reste absolument insensible aux fables qui se colportent sur son compte et sur celui de la femme autrefois aimée. Selon nous, il ne pouvait répondre autrement aux questions directes qu’on lui adressait qu’en disant la vérité dans toute sa simplicité. Quant à la Déclaration, c’est une des plus belles pages qui soient jamais sorties de la plume de George Sand, et ses amis n’ont qu’à se réjouir de la savoir publiée. Nous ne pouvons comprendre non plus pourquoi, aussitôt qu’il s’agit de défendre George Sand contre de fausses accusations, il faut absolument accuser quelqu’un et, si ce n’est Musset, du moins Pagello. Nous insistons encore une fois sur la nécessité d’abandonner ce procédé de procureur dans les questions psychologiques.