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Page:Klapka - Trois Hommes en Allemagne, traduction Seligmann, 1922.djvu/41

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— Tiens-toi bien, dit Harris sans se retourner.

Mme Harris crut comprendre : « Saute à bas ! »

Aucun d’eux ne peut expliquer comment Mme Harris avait pu entendre : « Saute », quand il avait dit : « Tiens-toi bien. »

Mme Harris articule : « Si tu m’avais dit de bien me tenir, pourquoi aurais-je sauté ? »

Et Harris de riposter : « Si j’avais voulu que tu sautasses, pourquoi aurais-je dit : « Tiens-toi bien » ?

Toute amertume est maintenant passée, mais à présent encore il leur arrive de discuter là-dessus.

Qu’on l’explique d’une manière ou d’une autre, le fait est que Mme Harris sauta pendant que Harris pédalait de toutes ses forces, persuadé que sa femme était toujours assise derrière lui.

Il paraît qu’elle crut d’abord qu’il prenait la côte en vitesse simplement pour se faire admirer. Ils étaient jeunes alors et il lui arrivait de faire de ces sortes de démonstrations. Elle s’attendait à ce qu’il sautât à terre une fois au sommet et l’attendît adossé à sa machine, dans une attitude pleine de désinvolture. Quand elle le vit au contraire dépasser le faîte et prendre la descente à une allure rapide, elle fut d’abord surprise, ensuite indignée et enfin inquiète. Elle courut au haut de la colline et cria de toutes ses forces. Il ne tourna pas la tête. Elle le vit disparaître dans un bois situé à un kilomètre et demi, s’assit sur le bord de la route et se mit à pleurer. Ils avaient eu un débat insignifiant