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Page:Koschwitz - Les Parlers Parisiens, 1896.pdf/198

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jambées et a parcouru rapidement un long chemin. Elle a même été si bien renouvelée qu’un livre de 1865, à force de paraître candide, ne serait pas fort loin de sembler ridicule. C’est ce qui m’a décidé, entre autres motifs, à entreprendre cette édition: œuvre assez ingrate après tout, et dont quelques érudits, peut-être, seront seuls à me savoir gré.

Ils sont vraiment douloureux, ces recommencements d’un vieux livre. On se heurte sans cesse à quelque erreur qu’il faut loyalement redresser. On s’aperçoit (je parle pour moi) qu’on a jadis été trop affirmatif et téméraire. Puis, l’âge est venu. On a plus d’expérience, et moins d’entrain. On n’est plus à la fête, mais au devoir. Une première édition, c’est le printemps; les autres, c’est l’automne.

Telle qu’elle est, cette nouvelle édition rendra peut-être quelques services. Je n’ai pas la prétention d’y avoir été partout original, et je me borne à réclamer, pour certaines parties de mon œuvre, le rôle modeste d’un vulgarisateur de bonne volonté, qui s’est tenu au courant et prend le soin d’indiquer, avec une précision loyale, toutes les sources auxquelles il est remonté. Il me sera sans doute permis d’ajouter que, dans le présent volume comme dans les autres, il y a des éléments vraiment nouveaux et que personne encore n’avait mis en œuvre. J’ai réuni sur les jongleurs un certaini nombre de textes qu’aucun érudit, je pense, n’a connus avant moi, et je crois pouvoir, en toute sincérité, me rendre le même témoignage pour tout ce qui touche à l’exécution des chansons de geste, aux dernières chansons en vers, aux romans en prose, à la longue et triste histoire de notre décadence épique. Quand je mis pour la première fois la main à ce gros livre, je me proposais d’offrir au public une vaste synthèse sur les chansons de geste où j’ajouterais les résultats de mes recherches personnelles à ceux que mes devanciers avaient déjà conquis. Je n’ai jamais cessé de me proposer le même but : c’est au public de décider si je l’ai atteint.

Si long qu’ait été le chemin, j’ai eu la consolation d’y rencontrer des mains qui se sont tendues vers moi, des voix qui m’ont encouragé, et ce n’est pas sans quelque émotion que je prononce ici les noms de Guizot et de Natalis de Wailly. D’aussi grands noms ne sauraient me faire oublier ces jeunes amis — mes élèves d’hier — qui, notamment dans le présent volume, se sont fait une joie de venir en aide à leur ancien maître. Je croirais manquer à un devoir si je n’adressais ici mes remercîments à MM. Labande, Vernier et Le Grand. Je dois aux deux premiers la précieuse communication d’un certain nombre de textes inédits sur le fief de la jonglerie de Beauvais et sur le rôle des jongleurs à la cour des ducs de Bourgogne. Le troisième a bien voulu rédiger, sous ma direction, cette Bibliographie des chansons de geste qui est peut-être faite pour donner à mon œuvre un caractère plus marqué d’utilité pratique. C’est là une qualité que les érudits contemporains tiennent à bon droit en haute estime et qui les rend parfois indulgents pour les défauts des autres et pour les leurs.

Un de ces défauts dont il convient que je m’accuse et que l’excellent M. Laboulaye aurait eu quelque peine à me pardonner, c’est d’avoir fait attendre plus de dix ans la publication de ce tome II, et surtout de le