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Page:Koschwitz - Les Parlers Parisiens, 1896.pdf/62

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à droite et à gauche, qui ramifient celle où l’on passe, bourdonnantes d’une foule semblable! Que d’étroites allées obscures entrevues au vol, puis dépassées, vomitoires de cités inconnues! Une rumeur de houle s’élève, sur une modulation monotone, de ce grand écoulement de peuple. On y perçoit confusément des vociférations, des rires gouailleurs, des claquements de fouets, des cris d’essieux, et le fracas des ferrailles des lourds haquets qui tressautent sur le pavé. Que de têtes, que d’existences voisines de nous, aidant à nous faire vivre, qu’on croise une fois rapidement et qu’on ne reverra plus!

L’omnibus s’arrête. Deux personnes s’y hissent avec quelque peine, un homme et une femme. Comme on repart aussitôt, ils gagnent en titubant le fond de la voiture et s’y casent, l’un à côté de l’autre, tout contre les lanternes. On descend toujours la rue Oberkampf, rudement cahoté, avec un grand frémissement de vitres.

L’homme et la femme sont habillés de noir. Ce sont de pauvres gens, endimanchés pour un jour, jour malheureux, puisque la pluie a gâté justement leur plus belle toilette. Sur son chapeau, le mari avait mis un mouchoir dont les bouts égouttaient; avec leur seul parapluie il avait mieux aimé abriter la robe de sa femme. Sitôt assis il retira le mouchoir, le tordit entre ses genoux écartés et le remit dans sa poche aprés l’avoir plié.