Aller au contenu

Page:Kouprine - Le Bracelet de grenats, 1922.djvu/240

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— C’est un peu vague.

— Vague ? s’écria mister Nidston dont les yeux café lancèrent cette fois des gerbes d’aiguilles. Vague ? Auriez-vous l’insolence de supposer que la maison « Nidston et Fils », qui existe depuis cent cinquante ans et jouit de la confiance de toute l’Angleterre commerciale et financière, puisse vous faire une proposition déshonnête ou simplement susceptible de vous compromettre ? Ou que nous nous chargions d’une affaire sans posséder de sûres garanties de son absolue correction ?

— Oh sir ! Je ne me permets pas d’en douter.

— Bien, interrompit-il, en se calmant subitement, comme une mer en courroux dans laquelle on aurait versé quelques tonnes d’huile.

— Voyez-vous, primo, j’ai pris l’engagement de ne vous communiquer les détails essentiels que lorsque vous aurez pris place sur le vapeur partant de Southampton…

— Pour ? demandai-je rapidement.

— Je ne puis encore vous le dire. Secundo, j’avoue ne pas très bien saisir moi-même le but de votre voyage (si tant est que celui-ci ait jamais lieu).

— C’est étrange.

— Fort étrange, approuva l’homme d’affaires. Et même, si vous le voulez, j’ajouterai — c’est fantastique, inouï, merveilleux, grandiose, et téméraire jusqu’à la folie !

J’étais en droit de murmurer à mon tour « hum » et je ne laissai pourtant échapper ce monosyllabe que du bout des lèvres.

— Attendez, poursuivit mister Nidston en s’animant soudain. Vous êtes jeune. J’ai vingt-cinq ou trente ans de plus que vous. Vous ne vous étonnez déjà plus de bien des conquêtes de l’esprit humain. Mais si quelqu’un m’avait prédit à votre âge, qu’un jour viendrait où je