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Page:Kouprine - Le Bracelet de grenats, 1922.djvu/260

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— Eh bien, Messieurs, adieu, — dit mister Mdston. Je souhaite que vous deveniez bons amis. Mes compliments à lord Chalsbury. Bonne traversée. Au revoir.

Il descendit rapidement la passerelle du vapeur, sauta dans un cab qui l’attendait sur le quai, esquissa dans notre direction un dernier geste aimable et disparut sans plus se retourner. Je ne sais pourquoi je me sentis pendant quelques minutes envahi d’une tendre mélancolie, comme si la disparition de cet homme me privait d’un ami dévoué et d’un soutien moral.

Autant que je me souvienne, notre traversée ne fut marquée d’aucun événement saillant. Ces dix-sept jours me parurent alors cent soixante-dix années, mais quand j’en évoque l’ennui, je me les représente comme une seule et unique journée interminablement monotone.

Je retrouvais de Monts des Riques à l’heure des repas. Aucune intimité ne se noua entre nous. Il se montrait envers moi d’une froide politesse à laquelle je répondais par une indifférente prévenance. J’eus tôt fait de comprendre qu’il ne s’intéressait pas plus à ma personnalité morale qu’à celle de qui que ce fût au monde. Mais, lorsque la conversation venait à tomber sur nos études spéciales, j’étais littéralement ébloui de la profondeur de ses connaissances, de la hardiesse et de l’originalité de ses hypothèses et surtout de la précision pittoresque avec laquelle il exprimait sa pensée.

J’essayai de lire les bouquins que m’avait laissés mister Nidston. C’étaient pour la plupart des ouvrages scientifiques traitant tout au long la théorie de la lumière et des lentilles, renfermant des observations sur les hautes et les basses températures, ou décrivant des expériences de condensation et de liquéfaction des