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Page:Kouprine - Le Bracelet de grenats, 1922.djvu/285

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faire naître en lui des sentiments de dépit et de vengeance.

Une réponse toute simple me vint aux lèvres : « Envoyez dès demain, avec tous les honneurs qui lui sont dus, ce beau Narcisse à tous les diables, et vous recouvrerez immédiatement votre tranquillité ! » Je regrette fort qu’une imbécile délicatesse m’ait empêché de donner ce bon conseil et m’ait fait répondre avec une froide correction :

— J’espère, milord, que vous ne vous fâcherez pas si je ne prends pas sur moi de trancher une question aussi délicate ?

Lord Chalsbury me regarda fixement, secoua tristement la tête et dit avec un sourire chagrin :

— Finissons ce vin et passons dans la salle de billard. J’ai envie de fumer un cigare.

En entrant dans le fumoir, nous aperçûmes de Monts de Riques debout, les coudes appuyés sur le billard, pérorant avec animation : lady Chalsbury, adossée au manteau de la cheminée, riait aux éclats. Cela me frappa bien plus que si je l’avais vue pleurer. Chalsbury s’étant enquis des motifs de cette gaieté, de Monts de Riques raconta une seconde fois l’histoire d’un snob vaniteux qui, ayant acheté, par désir d’originalité, un léopard apprivoisé, était ensuite resté trois heures perché sur son toit par peur de l’animal. Le patron éclata à son tour d’un rire enfantin…

Tandis que les plus petits détails des deux premières journées passées sur le Cayambé surgissent dans ma mémoire avec un relief extraordinaire, le reste de mon séjour se perd