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Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/161

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tiers de l’Angleterre ; tel marquis fait des voyages de trente lieues sans quitter ses terres, tel comte possède toute une province ; tandis que le reste des propriétaires, comprenant un demi-million de familles doit se contenter de moins d’un tiers d’hectare chacune, c’est-à-dire, une maison et un petit jardin.

Deux mille trois cent quarante familles touchent des revenus fabuleux, de 100,000 francs et jusqu’à dix millions de francs par an ; le marquis de Westminster et le duc de Bedford touchent 25,000 francs par jour, c’est-à-dire plus de 1,000 francs par heure — plus qu’un ouvrier dans le cours d’une année —, tandis que des centaines de milliers de familles d’agriculteurs ne réussissent à gagner, pour prix de rudes labeurs, que 300 à 1,000 francs par an. L’agriculteur, celui qui fait que la terre produit, se croit heureux si, après des journées de 14 et de 16 heures de travail, il réussit à gagner de 12 à 15 francs par huitaine — juste de quoi ne pas mourir de faim.

Fortunes scandaleuses et dépenses insensées pour la part du fainéant. Misère perpétuelle pour le cultivateur.

Les faiseurs de livres vous diront certainement que, grâce à cette concentration de la propriété en peu de mains, l’Angleterre est devenue le pays de la culture la plus intense, la plus productive. Les grands lords, ne pouvant cultiver la terre eux-mêmes, la donnent en bail, sous forme de lots assez grands, à des fermiers, et ces fermiers — vous dira-t-on — ont fait de leurs fermes des modèles d’agriculture rationnelle.

C’était vrai il y a quelque temps : ce n’est plus vrai aujourd’hui.

D’abord, d’immenses espaces de terre restent abso-