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Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/169

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esprit conservateur que comptent surtout les réactionnaires.

Certes, il y eut un temps, dans la première moitié de ce siècle, où cette catégorie de cultivateurs jouissait d’une certaine aisance, et il était naturel que cette classe, issue de la grande Révolution et tenant avant tout à conserver ce qu’elle avait gagné dans la Révolution, refusât obstinément tout changement, craignant de perdre ce qu’elle avait gagné. Mais, depuis quelque temps, les conditions ont bien changé. Tandis que, dans certaines parties de la France (le Sud-Ouest, par exemple), les cultivateurs de cette catégorie jouissent encore d’un certain bien-être, dans le reste du pays ils se plaignent déjà de la gêne. Ils ne font plus d’économies, et il leur devient difficile d’agrandir leurs propriétés, qui se morcellent continuellement à la suite des partages. En même temps, ils ne trouvent plus de parcelles à louer à des conditions aussi avantageuses qu’auparavant : il leur faut payer aujourd’hui des prix fous pour la location de la terre.

Possédant de petites parcelles disséminées aux quatre coins de la commune, ils ne peuvent pas rendre la culture assez profitable pour subvenir aux charges qui pèsent sur le cultivateur. Le blé rapporte peu de chose, et l’élève du bétail ne laisse qu’un maigre profit.

L’État les écrase d’impôts et la Commune ne les épargne pas non plus : char, cheval, batteuse, engrais, tout est imposé ; les centimes additionnels se chiffrent par des francs, et la liste des impôts devient aussi longue que sous la défunte royauté. Le paysan est redevenu la bête de somme de l’État.

Les usuriers les ruinent, le billet à ordre les