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Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/187

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grand mouvement de pensée libérale, issu de la Révolution, qui les a arrachées aux gouvernements, en même temps que la représentation nationale ; et c’est encore cet esprit de liberté, de révolte, qui a su les conserver malgré et contre les empiètements continuels des gouvernements et des parlements eux-mêmes. De par lui-même, le gouvernement représentatif ne donne pas de libertés réelles, et il s’accommode admirablement bien du despotisme. Les libertés, il faut les lui arracher, tout aussi bien qu’aux rois absolus ; et une fois arrachées il faut encore les défendre contre le parlement de même que jadis contre un monarque, au jour le jour, pouce par pouce, sans jamais désarmer, ce qui ne réussit que lorsqu’il y a dans le pays une classe aisée, jalouse de ses libertés et toujours prête à les défendre par l’agitation extra-parlementaire contre le moindre empiètement. Là où cette classe n’existe pas, là où il n’y a pas unité dans la défense, les libertés politiques n’existeront pas, qu’il y ait une représentation nationale ou qu’il n’y en ait pas. La Chambre elle-même devient une antichambre du roi. Témoins les parlements des Balkans, de la Turquie, de l’Autriche.

On aime à citer les libertés anglaises, et on les associe volontiers, sans plus de réflexion, au Parlement. Mais on oublie, par quels procédés, d’un caractère purement insurrectionnel, chacune de ces libertés fut arrachée à ce même Parlement. Liberté de la presse, critique de la législation, liberté de réunion, d’association — tout a été extorqué au Parlement par la force, par l’agitation menaçant de se transformer en émeute. C’est en pratiquant les trades-unions et la grève contre les édits du Parlement et les pendaisons de 1813,