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Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/226

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C’est depuis l’avènement de la bourgeoisie, — depuis la grande révolution française, — qu’on a surtout réussi à établir ce culte. Sous l’ancien régime on parlait peu de lois, si ce n’est avec Montesquieu, Rousseau, Voltaire, pour les opposer au caprice royal ; on était tenu d’obéir au bon plaisir du roi et à ses valets, sous peine d’être jeté en prison ou pendu. Mais pendant et après la révolution, les avocats arrivés au pouvoir ont fait de leur mieux pour affermir ce principe, sur lequel ils devaient établir leur règne. La bourgeoisie l’accepta d’emblée, comme son ancre de salut, pour mettre une digue au torrent populaire. La prêtraille s’empressa de la sanctifier, pour sauver sa barque qui sombrait dans les vagues du torrent. Le peuple enfin l’accepta comme un progrès sur l’arbitraire et la violence du passé.

Il faut se transporter d’imagination au dix-huitième siècle pour le comprendre. Il faut avoir saigné le sang de son cœur au récit des atrocités qui se commettaient à cette époque par les nobles tout-puissants sur les hommes et les femmes du peuple, pour comprendre quelle influence magique ces mots : « Égalité devant la loi, obéissance à la loi, sans distinction de naissance ou de fortune » devaient exercer, il y a un siècle, sur l’esprit du manant. Lui, qu’on avait traité jusqu’alors plus cruellement qu’un animal, lui qui n’avait jamais eu aucun droit et n’avait jamais obtenu justice contre les actes les plus révoltants du noble, à moins de se venger en le tuant et en se faisant pendre, — il se voyait reconnu par cette maxime, du moins en théorie, du moins quant à ses droits personnels, l’égal de son seigneur. Quelle que fût cette loi, elle promettait d’atteindre également le