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Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/234

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à vouloir mieux, à critiquer son ancienne manière de vivre, à désirer un changement. Tant que cet espoir ne l’a pas pénétré, tant qu’il ne s’est pas affranchi de la tutelle de ceux qui utilisent ses superstitions et ses craintes, il préfère rester dans la même situation. Si les jeunes veulent changer quelque chose, les vieux poussent un cri d’alarme contre les novateurs. Tel sauvage se ferait plutôt tuer que de transgresser la coutume de son pays, car dès son enfance on lui a dit que la moindre infraction aux coutumes établies lui porterait malheur, causerait la ruine de toute la tribu. Et aujourd’hui encore, combien de politiciens, d’économistes et de soi-disant révolutionnaires agissent sous la même impression, en se cramponnant à un passé qui s’en va ! Combien n’ont d’autre souci que de chercher des précédents ! Combien de fougueux novateurs sont les simples copistes des révolutions antérieures !

Cet esprit de routine qui puise son origine dans la superstition, dans l’indolence et dans la lâcheté, fit de tout temps la force des oppresseurs ; et dans les sociétés humaines primitives, il fut habilement exploité par les prêtres et les chefs militaires, perpétuant les coutumes, avantageuses pour eux seuls, qu’ils réussissaient à imposer aux tribus.




Tant que cet esprit de conservatisme, habilement exploité, suffisait pour assurer l’empiètement des chefs sur la liberté des individus ; tant que les seules inégalités entre les hommes étaient les inégalités naturelles et qu’elles n’étaient pas encore décuplées et cen-