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Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/329

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liers d’industrie sont venus exploiter le socialisme dans leur intérêt personnel, et ils ont si bien travaillé à écourter ce programme, qu’aujourd’hui les seuls anarchistes se trouvent l’avoir maintenu dans son intégrité. On l’a mutilé, bourré de phrases creuses, pouvant être commentées à volonté selon le bon plaisir de chacun ; et on l’a réduit ainsi, non pas pour plaire aux ouvriers, — si l’ouvrier accepte le socialisme, il l’accepte généralement en entier, — mais tout bonnement pour plaire à la bourgeoisie, pour s’ouvrir une place dans ses rangs. C’est donc aux anarchistes seuls qu’incombe la tâche immense de propager, jusque dans les recoins les plus inaccessibles, cette idée de l’expropriation. Ils n’ont pas à compter sur d’autres pour cette besogne.

Ce serait une erreur funeste de croire que l’idée d’expropriation ait déjà pénétré dans les esprits de tous les travailleurs et qu’elle soit devenue pour tous une de ces convictions pour lesquelles l’homme intègre est prêt à sacrifier sa vie. Loin de là. Il y a des millions qui n’en ont pas entendu parler, sinon par la bouche des adversaires. Parmi ceux-mêmes qui l’admettent, combien peu nombreux sont ceux qui l’aient examinée sous ses divers aspects, et dans tous ses détails ! Nous savons, il est vrai, que c’est surtout lors de la révolution même que l’idée de l’expropriation fera le plus d’adhérents, lorsque tout le monde s’intéressera à la chose publique, lira, discutera, agira, et lorsque les idées les plus concises et les plus nettes seront surtout capables d’entraîner les masses. Et nous savons aussi que s’il n’y avait, pendant la Révolution, que deux partis en présence : la bourgeoisie et le peuple, l’idée d’expropriation se-