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Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/341

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tion et la domination sur les marchés ; guerres intérieures ; armées colossales, budgets monstrueux, extermination de générations entières. Dépravation morale des oisifs, fausse direction qu’ils donnent à la science, aux arts, aux principes éthiques. Gouvernements rendus nécessaires pour empêcher la révolte des opprimés ; la loi et ses crimes, ses bourreaux et ses juges ; l’oppression, la sujétion, le servilisme qui en résultent, la dépravation qu’elle déverse sur la société, — voilà le bilan de la propriété personnelle et du pouvoir personnel qu’elle engendre.

Mais peut-être, malgré tous ces vices, malgré tous ces maux, la propriété privée nous rend-elle encore quelques services qui contre-balancent ses mauvais côtés ? Peut-être, étant donnée la bêtise humaine dont nous parlent nos dirigeants, est-elle encore le seul moyen de faire marcher la société ? Peut-être lui devons-nous le progrès industriel et scientifique de notre siècle ? Des « savants » nous le disent, du moins. Mais, alors, voyons sur quoi se basent leurs affirmations, quels sont leurs arguments ?

Leurs arguments ? — Le seul, l’unique, qu’ils aient avancé, le voici : « Regardez, disent-ils, les progrès de l’industrie depuis cent ans, depuis qu’elle s’est affranchie des entraves corporatives et gouvernementales ! Voyez ces chemins de fer, ces télégraphes, ces machines qui remplacent chacune le travail de cent, de deux cents personnes, qui fabriquent tout, depuis le volant qui pèse des centaines de tonnes jusqu’aux dentelles les plus fines ! Tout cela est dû à l’initiative privée, au désir de l’homme de s’enrichir ! »

Certainement, les progrès accomplis dans la production des richesses depuis cent ans sont gigantesques,