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Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/44

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classes gouvernantes pour leur usage et dans leur intérêt.




En effet, qu’est-ce qu’un droit politique, s’il n’est pas un instrument pour sauvegarder l’indépendance, la dignité, la liberté de ceux qui n’ont pas encore la force d’imposer aux autres le respect de ce droit ? Quelle en est l’utilité s’il n’est pas un instrument d’affranchissement pour ceux qui ont besoin d’être affranchis ? Les Gambetta, les Bismarck, les Gladstone n’ont besoin ni de la liberté de la presse, ni de la liberté de réunion, puisqu’ils écrivent ce qu’ils veulent, se réunissent avec qui bon leur semble, professent les idées qu’il leur plaît : ils sont déjà affranchis, ils sont libres. S’il faut garantir à quelqu’un la liberté de parler et d’écrire, la liberté de se grouper, c’est précisément à ceux qui ne sont pas assez puissants pour imposer leur volonté. Telle a été même l’origine de tous les droits politiques.

Mais, à ce point de vue, les droits politiques dont nous parlons sont-ils faits pour ceux qui en ont seuls besoin ?

— Certainement non. Le suffrage universel peut quelquefois protéger jusqu’à un certain point la bourgeoisie contre les empiétements du pouvoir central, sans qu’elle ait besoin de recourir constamment à la force pour se défendre. Il peut servir à rétablir l’équilibre entre deux forces qui se disputent le pouvoir, sans que les rivaux en soient réduits à se donner des coups de couteau, comme on le faisait jadis. Mais il ne peut aider en rien s’il s’agit de renverser ou même