Aller au contenu

Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus passagères comme jadis, mais qui tuent raide toute une industrie, qui réduisent à la misère des milliers de travailleurs, qui déciment les familles. Vous lutterez, comme les autres, contre cette calamité. Mais vous vous apercevrez bientôt comment votre femme, votre enfant, votre ami, succombent peu à peu aux privations, faiblissent à vue d’œil et, faute d’aliments, faute de soins, finissent par s’éteindre sur un grabat, tandis que la vie, insouciante de ceux qui périssent, roule ses flots joyeux dans les rues de la grande ville, rayonnante de soleil. Vous comprendrez alors ce que cette société a de révoltant, vous songerez aux causes de la crise et votre regard sondera toute la profondeur de cette iniquité qui expose des milliers d’êtres humains à la cupidité d’une poignée de fainéants ; vous comprendrez que les socialistes ont raison lorsqu’ils disent que la société actuelle doit être, et peut être transformée de fond en comble.

Un autre jour, lorsque votre patron cherchera, par une nouvelle réduction de salaires, à vous soustraire encore quelques sous pour arrondir d’autant sa fortune, vous protesterez ; mais il vous répondra avec arrogance : « Allez brouter l’herbe, si vous ne voulez pas travailler pour ce prix-là ». Vous comprendrez alors que votre patron, non seulement cherche à vous tondre comme un mouton, mais qu’il vous considère encore comme de race inférieure ; que, non content de vous tenir dans ses griffes par le salaire, il aspire encore à faire de vous un esclave à tous égards. Alors, ou bien vous plierez le dos, vous renoncerez au sentiment de la dignité humaine et vous finirez par subir toutes les humiliations ; ou bien le sang