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Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/92

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qui les produisent, mais à l’exportation, à l’enrichissement des maîtres. Les capitaux s’accumulent et cherchent des placements avantageux en Asie, en Afrique, en Turquie, en Russie : la Bourse de Berlin rivalise avec celle de Paris, et elle veut la dominer.

Un cri retentit alors au sein de la bourgeoisie allemande : s’unifier sous n’importe quel drapeau, fût-ce même celui de la Prusse, et profiter de cette puissance pour imposer ses produits, ses tarifs, à ses voisins, pour s’emparer d’un bon port sur la Baltique, sur l’Adriatique, si possible ! Briser la force militaire de la France qui menaçait, il y a vingt ans, de faire la loi économique en Europe, de lui dicter ses traités commerciaux.

La guerre de 1870 en fut la conséquence. La France ne domine plus les marchés : c’est l’Allemagne qui cherche à les dominer et, elle aussi, par la soif du gain, cherche toujours à étendre son exploitation, sans tenir compte des crises, des krachs, de l’insécurité et de la misère qui rongent son édifice économique. Les côtes de l’Afrique, les moissons de la Corée, les plaines de la Pologne, les steppes de la Russie, les puszlas de la Hongrie, les vallées couvertes de roses de la Bulgarie — tout excite la convoitise des bourgeois allemands. Et chaque fois que le négociant allemand parcourt ces plaines à peine cultivées, ces villes qui n’en sont qu’à la petite industrie, ces rivières muettes, son cœur saigne à la vue de ce spectacle. Son imagination lui dessine comment il saurait, lui, retirer des sacs d’or de ces richesses incultes, comment il courberait, lui, ces êtres sous le joug de son capital. Il jure donc de porter un jour « la civilisation », c’est-à-dire l’exploitation, en Orient. En attendant, il essayera