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Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/125

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très bien leurs vieillards : la paix règne parmi ces tribus[1].

Les Esquimaux et leurs congénères les plus proches, les Thlinkets, les Koloches et les Aléoutes sont les exemples les plus rapprochés de ce que l’homme peut avoir été durant la période glaciaire. Leurs outils diffèrent à peine de ceux de l’homme paléolithique, et quelques-unes des tribus ne connaissent même pas la pêche : ils percent simplement le poisson avec une sorte de harpon[2]. Ils connaissent l’usage du fer, mais ils le reçoivent des Européens ou le trouvent sur des vaisseaux naufragés. Leur organisation sociale est très primitive, quoiqu’ils soient déjà sortis de la phase du « mariage communal », même avec les restrictions du clan. Ils vivent par familles, mais les liens de la famille sont souvent rompus ; les maris et les femmes sont souvent échangés[3]. Les familles cependant demeurent réunies en clans, et comment pourrait-il en être autrement ? Comment pourraient-ils soutenir la dure lutte pour la vie à moins d’unir étroitement toutes leurs forces ? Ainsi font-ils ; et les liens de tribu sont plus étroits là où la lutte pour la vie est la plus dure ; par exemple, dans le Nord-Est du Groenland. Là « longue maison » est leur demeure habituelle, et plusieurs familles y logent, séparées l’une de l’autre par de petites cloisons de fourrures en loques, avec un passage commun sur le devant. Quelquefois la maison a la forme d’une croix, et en ce cas un feu commun est entretenu au centre. L’expédition

  1. L. F. Martial, Mission scientifique au cap Horn, Paris, 1883, vol. I, p. 183-201.
  2. Expédition à l’Est du Groenland, par le capitaine Holm.
  3. En Australie, on a vu des clans entiers échanger toutes leurs femmes pour conjurer une calamité (Post, Studien zur Entwicklungsgeschischte des Familienretchs, 1890, p. 342). Une plus grande fraternité, voilà leur spécifique contre les calamités.