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Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/128

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trouvons chez toutes les races primitives — doit avoir eu la même origine. En effet, tandis que tout ce qui a appartenu personnellement au mort est brûlé ou détruit sur son tombeau, rien n’est détruit de ce qui lui a appartenu en commun avec la tribu, par exemple les bateaux ou les instruments communs pour la pêche. La destruction ne porte que sur la propriété personnelle. A une époque postérieure cette habitude devient une cérémonie religieuse : on lui donne une interprétation mystique, et elle est imposée par la religion, quand l’opinion publique seule se montre incapable de l’imposer à tous. Et enfin on la remplace, soit en brûlant seulement des modèles des biens de l’homme mort (comme cela se fait en Chine), soit simplement en portant ses biens jusqu’à son tombeau et en les rapportant à la maison à la fin de la cérémonie — habitude qui est encore en vigueur chez les Européens pour les épées, les croix et autres marques de distinction[1].

L’élévation de la moralité maintenue au sein des clans esquimaux a souvent été mentionnée. Cependant les remarques suivantes sur les mœurs des Aléoutes — proches parents des Esquimaux — donneront mieux une idée de la morale des sauvages dans son ensemble. Elles ont été écrites après un séjour de dix ans chez les Aléoutes, par un homme des plus remarquables, le missionnaire russe Veniaminoff. Je les résume en conservant autant que possible ses propres paroles :


L’endurance, écrit-il, est leur trait principal. Elle est tout bonnement prodigieuse. Non seulement ils se baignent chaque matin dans la mer gelée et se tiennent nus sur le rivage, respirant le vent glacé, mais leur endurance, même lorsqu’ils ont à faire un dur travail avec une nourriture insuffisante, surpasse tout ce que l’on peut ima-

  1. Voir appendice VIII.