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Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/232

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souliers[1]. Les dons des ouvriers (Geselle) aux cathédrales sont aussi un témoignage de leur bien-être relatif, pour ne rien dire des dons magnifiques de certaines guildes d’artisans, ni de ce qu’ils avaient coutume de dépenser en fêtes et en galas[2]. Mieux nous connaissons la cité du moyen âge, plus nous nous apercevons qu’en aucun temps le travail n’a joui d’une prospérité et d’un respect tels qu’aux temps florissants de cette institution.

Il y a plus encore ; non seulement beaucoup des aspirations de nos radicaux modernes étaient déjà réalisées au moyen âge, mais des idées que l’on traite maintenant d’utopies étaient acceptées alors comme d’indiscutables réalités. Ainsi, on rit de nous lorsque nous disons que le travail doit être agréable, mais « chacun doit se plaire à son travail », dit une ordonnance de Kuttenberg au moyen âge, « et personne ne pourra, tout en ne faisant rien (mit nichts thun), s’approprier ce que les autres ont produit par leur application et leur travail, puisque les lois doivent protéger l’application et le travail[3] ». En présence

  1. Falke, Geschichtliche Statistik, I, 373-393, et II, 66 ; cité dans Janssen, Geschichte, I,339 ; J -D Blavignac, dans les Comptes et Dépenses de la construction du clocher de Saint-Nicolas à Fribourg en Suisse, arrive à une conclusion semblable. Pour Amiens, de Calonne, Vie municipale, p. 99, et appendice. Pour une appréciation très complète et une représentation graphique des salaires au moyen âge en Angleterre et leur équivalent en pain et en viande, voir l’excellent article et les courbes de G. Steffen, dans le Nineteenth Century de 1891 et Studier öfver lönsystemets historia i England, Stockholm, 1895.
  2. Pour ne citer qu’un exemple parmi tous ceux qui peuvent être trouvés dans les ouvrages de Falke et de Schönberg, les seize ouvriers cordonniers (Schüsterknechte) de la ville de Xanten sur le Rhin donnèrent pour l’érection d’un dais et d’un autel dans l’église 75 gouldens par souscription et 12 gouldens de leur caisse particulière, et l’argent valait, selon les plus justes évaluations, dix fois ce qu’il vaut aujourd’hui.
  3. Cité par Janssen, loc. cit., I, 843.