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Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/240

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La liberté ne pouvait être conservée avec de tels voisins, et les cités étaient forcées de faire la guerre en dehors de leurs murs. Les bourgeois envoyaient des émissaires pour soulever des révoltes dans les villages, ils recevaient des villages dans leurs corporations et ils guerroyaient directement contre les nobles. En Italie, où il y avait un très grand nombre de châteaux féodaux, la guerre prenait des proportions héroïques, et était menée avec un sombre acharnement des deux côtés. Florence soutint pendant soixante-dix-sept ans une suite de guerres sanglantes afin d’affranchir son contado des nobles ; mais quand la conquête fut accomplie (en 1181) tout fut à recommencer. Les nobles se rallièrent ; ils constituèrent leurs propres ligues, en opposition aux ligues des villes, et recevant de nouveaux renforts soit de l’Empereur, soit du Pape, ils firent durer la guerre encore pendant cent trente ans. Les choses se passèrent de même à Rome, en Lombardie, dans toute l’Italie.

Les citoyens déployèrent dans ces guerres des prodiges de valeur, d’audace et de ténacité. Mais les arcs et les haches des artisans et des bourgeois n’avaient pas toujours le dessus dans les rencontres avec les chevaliers revêtus d’armures, et bien des châteaux résistèrent aux ingénieuses machines de siège et à la persévérance des citoyens. Quelques cités, comme Florence, Bologne et plusieurs villes de France, d’Allemagne et de Bohême, réussirent à émanciper les villages environnants, et elles furent récompensées de leurs efforts par une prospérité et une tranquillité extraordinaires. Mais même dans ces cités, et encore plus dans les villes moins fortes ou moins entreprenantes, les marchands et les artisans, épuisés par la guerre et méconnaissant leurs propres intérêts, finirent par signer des traités par lesquels ils sacrifiaient les paysans.