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Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/308

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plus de succès. Dans les cités du moyen âge, lorsque la division entre maîtres et apprentis ou journaliers devint de plus en plus marquée au XVe siècle, des associations d’apprentis (Gesellenwerbände), ayant parfois un caractère international, étaient opposées aux associations des maîtres et des marchands. Désormais ce fut l’État qui entreprit de régler les différends et, par le Statut d’Élisabeth de 1563, les Juges de Paix eurent à fixer les salaires, afin d’assurer une existence « convenable » aux journaliers et aux apprentis. Mais les juges se montrèrent impuissants à concilier les intérêts en conflit et encore plus à forcer les maîtres à obéir à leurs décisions. La loi devint graduellement lettre morte et fut abrogée à la fin du XVIIIe siècle. Cependant en même temps que l’État abandonnait ainsi la fonction de réglementer les salaires, il continuait à prohiber sévèrement les associations de journaliers et d’ouvriers tendant à élever les salaires, ou à les maintenir à un certain niveau. Pendant tout le XVIIIe siècle l’État fit des lois contre les associations d’ouvriers, et en 1799, il prohiba définitivement toute espèce d’unions, sous peine de châtiments sévères. En cela, le Parlement anglais ne fit que suivre l’exemple de la Convention révolutionnaire française, qui avait promulgué une loi draconienne contre les associations d’ouvriers, toute association entre un certain nombre de citoyens étant considérée comme un attentat contre la souveraineté de l’État, qui était supposé étendre sa protection également sur tous ses sujets. L’œuvre de destruction des unions du moyen âge fut ainsi achevée. Dans la ville et dans le village l’État régna dès lors sur des agrégations d’individus sans cohésion, prêt à empêcher par les mesures les plus sévères, la reconstitution de toute espèce d’associations particulières parmi eux. Tels étaient les obstacles parmi lesquels la tendance à l’entr’aide eut à frayer son chemin au XIXe siècle.