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Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/316

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industrielle[1]. Cependant, c’est peut-être la Russie qui offre le meilleur champ d’études des coopérations sous une infinie variété d’aspects. En Russie, c’est un développement naturel, un héritage du moyen âge, et tandis qu’une société coopérative établie formellement aurait à lutter contre un grand nombre de difficultés légales et de soupçons bureaucratiques, les coopérations spontanées — les artels — forment la substance même de la vie des paysans russes. L’histoire de la formation de la Russie et de la colonisation de la Sibérie, est une histoire des artels (ou guildes) pour la chasse et le commerce continués par des communes villageoises ; et à l’époque actuelle nous trouvons des artels partout. On les rencontre dans les groupes de paysans venus du même village pour travailler dans une manufacture, dans tous les métiers du bâtiment, parmi les pêcheurs et les chasseurs, parmi les déportés que l’on transporte en Sibérie et durant leur séjour au bagne, parmi les commissionnaires dans les gares des chemins de fer, à la Bourse et dans les douanes et enfin dans toutes les industries villageoises, qui occupent 7 millions d’hommes. Bref, ils existent du haut en bas du monde des travailleurs, temporairement ou d’une façon permanente, pour la production et pour la consommation, sous tous les aspects possibles. Jusqu’à aujourd’hui, beaucoup de pêcheries sur les affluents de la mer Caspienne sont exploitées par d’immenses artels, et le fleuve Oural appartient à l’ensemble des Cosaques de l’Oural, qui partagent et repartagent entre leurs villages, sans aucune ingérence des autorités, les lieux de pêche, peut-être les plus riches

  1. Les 31.473 associations de production et de consommation sur le Rhin moyen faisaient, vers 1890, pour 460.937.500 francs d’affaires par an ; elles prêtèrent pendant l’année 91.875.000 francs.