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Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/362

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cache les anciennes institutions, et particulièrement celles qui datent de la première apparition d’êtres du type humain, il nous faut — en l’absence de témoignages directs — accomplir un travail des plus difficiles, qui consiste à remonter à l’origine de chaque institution, en notant soigneusement les plus faibles traces qu’elle a laissées dans les habitudes, les coutumes, les traditions, les chants, le folklore, etc. ; puis, réunissant les divers résultats de chacune de ces études, il nous faut mentalement reconstituer une société où toutes ces institutions auraient coexisté. On comprend le formidable cortège de faits et le nombre énorme d’études minutieuses de points particuliers, nécessaires pour amener à des conclusions certaines. C’est bien ce que l’on trouve cependant dans l’œuvre monumentale de Bachofen et de ses continuateurs, mais ce qui manque aux ouvrages de l’école adverse. La masse de faits rassemblés par M. Westermarck est grande sans doute, et son ouvrage est certainement très estimable comme essai critique ; mais il ne pourra guère amener ceux qui ont étudié les œuvres de Bachofen, de Morgan, de Mac Lennan, de Post, de Kovalevsky, etc., et qui sont familiers avec les travaux de l’école de la commune villageoise, à changer leurs opinions et à admettre la théorie de la famille patriarcale.

Ainsi les arguments tirés par Westermarck des habitudes familiales des primates n’ont pas du tout, à notre avis, la valeur qu’il leur attribue. Ce que nous savons des relations de famille dans les espèces sociables des singes contemporains est très incertain, tandis que les deux espèces non sociables des orangs-outans et de gorilles doivent être mises hors de discussion, car toutes deux sont, comme je l’ai indiqué dans le texte, des espèces qui disparaissent. Nous en savons encore moins sur les relations entre les mâles et les femelles chez les primates de la fin de la période tertiaire. Les espèces qui vivaient alors sont probablement toutes éteintes et nous ignorons absolument laquelle fut la forme ancestrale dont l’homme est sorti. Tout ce que nous pouvons dire avec quelque apparence de probabilité c’est qu’une grande variété de relations de