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Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/66

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grimpant sur le haut et jetant la nourriture à ses camarades au-dessous) ou de la cruauté de l’homme, poussé au désespoir par ces pillards. Il y a même quelques ours qui vivent en société, là où ils ne sont pas dérangés par l’homme. Ainsi Steller a vu l’ours brun du Kamtchatka en troupes nombreuses et on rencontre parfois les ours polaires en petits groupes. Les inintelligents insectivores eux-mêmes ne dédaignent pas toujours l’association[1].

Cependant c’est principalement parmi les rongeurs ; les ongulés et les ruminants que nous trouvons l’entr’aide très développée. Les écureuils sont très individualistes. Chacun d’eux construit son propre nid à sa commodité et amasse ses propres provisions. Leurs inclinations les portent vers la vie de famille, et Brehm a remarqué qu’une famille d’écureuils n’est jamais si heureuse que lorsque les deux portées de la même année peuvent se réunir avec leurs parents dans un coin reculé d’une forêt. Et cependant ils maintiennent des rapports sociaux. Les habitants des différents nids demeurent en relations étroites, et quand les pommes de pins deviennent rares dans la forêt qu’ils habitent, ils émigrent en bandes. Quant aux écureuils noirs du Far-West, ils sont éminemment sociables. Sauf quelques heures employées chaque jour à chercher des vivres, ils passent leur vie à jouer en grandes troupes. Et quand ils se sont trop multipliés dans une région, ils s’assemblent en bandes, presque aussi nombreuses que celles des sauterelles, et s’avancent vers le Sud, dévastant les forêts, les champs et les jardins ; tandis que des renards, des putois, des faucons et des oiseaux de proie nocturnes suivent leurs épaisses colonnes et se nourrissent des écureuils isolés qui res-

  1. Voyez appendice IV.