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Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/95

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de lapins en Nouvelle-Zélande et même d’animaux sauvages importés d’Europe (où leur accroissement est limité par l’homme, non par la concurrence), faits que l’on cite pour prouver la surpopulation, ils nous semblent plutôt opposés à cette théorie. Si les chevaux et les bestiaux ont pu se multiplier si rapidement en Amérique, cela prouve simplement que, malgré le grand nombre des bisons et des autres ruminants qu’il y avait autrefois dans le Nouveau-Monde, la population herbivore était encore au-dessous de ce que les prairies auraient pu nourrir. Si des millions de nouveaux venus ont trouvé une nourriture abondante, sans pour cela affamer la population primitive des prairies, nous devons plutôt en conclure que les Européens trouvèrent les herbivores en trop petit et non en trop grand nombre. Et nous avons de bonnes raisons de croire que le manque de population animale est l’état naturel des choses pour le monde entier, avec fort peu d’exceptions temporaires à cette règle. En effet, le nombre des animaux dans une région donnée est déterminé, non par la plus grande somme de nourriture que peut fournir cette région, mais au contraire par le produit des années les plus mauvaises. Pour cette seule raison, la compétition ne peut guère être une condition normale ; mais d’autres causes interviennent encore pour abaisser la population animale au-dessous même de ce niveau. Si nous prenons les chevaux et les bestiaux qui paissent tout le long de l’hiver dans les steppes de la Transbaïkalie, nous les trouvons très maigres et épuisés à la fin de l’hiver. Cependant ils sont épuisés, non parce qu’il n’y a pas assez de nourriture pour eux tous — l’herbe ensevelie sous une mince couche de neige est partout en abondance — mais à cause de la difficulté d’atteindre l’herbe sous la neige, et cette difficulté est la même pour tous les chevaux. En outre