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Page:Kropotkine - La Commune, la Commune de Paris, La Brochure mensuelle, n° 180, déc. 1937.djvu/12

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ces courants d’hommes, de marchandises, de lettres, de télégrammes, d’idées et d’affections, qui circulent entre nos cités comme les eaux de fleuve qui ne tarissent jamais : ils n’ont pas l’idée nette de la différence entre deux époques qu’ils cherchent à comparer.

D’ailleurs, l’histoire n’est-elle pas là pour nous prouver que l’instinct de fédération est déjà devenu un des besoins les plus pressants de l’humanité ? Il suffit qu’un jour l’État se trouve désorganisé pour une raison ou pour une autre ; que la machine oppressive faiblisse dans ses fonctions, pour que les alliances libres naissent d’elles-mêmes. Souvenons-nous des fédérations spontanées de la bourgeoisie armée pendant la grande révolution. Souvenons-nous de ces fédérations qui surgirent spontanément en Espagne et sauvèrent l’indépendance du pays, lorsque l’État était ébranlé jusque dans ses fondements par les armées conquérantes de Napoléon. Dès que l’État n’est plus à même d’imposer l’union forcée, l’union surgit d’elle-même, selon les besoins naturels. Renversez l’État, la société fédérée surgira de ses ruines, vraiment une, vraiment indivisible, mais libre et grandissant en solidarité par sa liberté même.

Mais il y a encore autre chose. Pour le bourgeois du moyen âge la Commune était un État isolé, nettement séparé des autres par ses frontières. Pour nous, « Commune » n’est plus une agglomération territoriale ; c’est plutôt un nom générique, un synonyme de groupements d’égaux, ne connaissant ni frontières ni murailles. La Commune sociale cessera bien vite d’être un tout nettement défini. Chaque groupe de la Commune sera nécessairement attiré vers d’autres groupes similaires des autres Communes ; il se groupera, se fédèrera avec eux par des liens tout au moins aussi solides que ceux qui le rattachent à ses conci-