Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/223

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à l’usine, bêche son jardin dès l’aube en contemplant le lever du soleil, et le soir à la nuit tombante, quand toute la nature rentre dans son repos.

Quelqu’un a dit que la poussière est de la matière qui n’est pas à sa place. La même définition s’applique aux neuf-dixièmes de ceux qu’on nomme paresseux. Ce sont des gens égarés dans une voie qui ne répond ni à leur tempérament ni à leurs capacités. En lisant les biographies des grands hommes, on est frappé du nombre de « paresseux » parmi eux. Paresseux, tant qu’ils n’avaient pas trouvé leur vrai chemin, et laborieux à outrance plus tard. Darwin, Stephenson et tant d’autres étaient de ces paresseux-là.

Très souvent le paresseux n’est qu’un homme auquel il répugne de faire toute sa vie la dix-huitième partie d’une épingle, ou la centième partie d’une montre, tandis qu’il se sent une exubérance d’énergie qu’il voudrait dépenser ailleurs. Souvent encore, c’est un révolté qui ne peut admettre l’idée que toute sa vie il restera cloué à cet établi, travaillant pour procurer mille jouissances à son patron, tandis qu’il se sait beaucoup moins bête que lui et qu’il n’a d’autre tort que d’être né dans un taudis, au lieu de venir au monde dans un château.

Enfin, bon nombre des « paresseux » ne connaissent pas le métier par lequel ils sont forcés de gagner leur vie. Voyant la chose imparfaite qui sort de leurs mains, s’efforçant vainement de mieux faire, et s’apercevant que jamais ils n’y réussiront à cause des mauvaises habitudes de travail déjà acquises, ils prennent en haine leur métier et, n’en sachant pas d’autre, le travail en général. Des milliers d’ouvriers et d’artistes manqués sont dans ce cas.

Au contraire, celui qui, dès sa jeunesse, a appris à